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Entretien écrit #3 avec Laurent Tézé

Directeur des Affaires Sociales, Eutelsat

Bio express

Laurent Tézé | Master professionnel Droit et pratique des relations de travail - Université Paris 2 Panthéon-Assas | DPRT

Formations

  • Master 2, Droit et Pratique des Relations, Promotion Elf, Paris II, Panthéon-Assas
  • Master 1, Droit des affaires – fiscalité, Paris II Panthéon-Assas
  • Licence, Droit du travail, Paris II Panthéon-Assas

Expériences

  • EUTELSAT
  • Membre de la commission sociale et de la CPPNI (Commission Paritaire Permanente de Négociation et d'Interprétation) de la branche professionnelle des télécoms (HUMAPP)
  • SNECMA
  • NATIXIS

Entretien réalisé par Pauline Durand.

Pauline Durand : Quel a été votre parcours depuis votre sortie du DPRT ?

LT : A la sortie du DPRT j'ai intégré pendant deux années environ le secteur bancaire, au sein de NATIXIS. Cette expérience m'a permis de me confronter au poste de juriste en droit social, où j'étais Chargé d'Affaires Sociales. Par la suite, j'ai intégré SNECMA qui fait désormais partie du groupe SAFRAN au siège, en tant que juriste au sein de la Direction des Relations Sociales. C'était l'époque des lois AUBRY avec toutes les négociations dans le cadre du temps de travail. Cela m'a permis de mettre en pratique les notions du temps de travail en apportant réponses, assistances et conseils aux usines. C'est à cette époque que SNECMA a pris une envergure mondiale. J'ai participé, à cette occasion, aux négociations au sein du GSN, groupe spécial de négociation, qui a permis la mise en place du comité européen. J'ai ensuite intégré un établissement du même groupe qui produisait des pièces de moteur d’avion directement en transformant la matière. Il y a avait une fonderie et des forges. C'était un secteur très ouvrier. J'étais alors Responsable des relations sociales. L'administration du personnel s'est ajoutée à mes fonctions précédentes. Ainsi, jusqu'en 2008, je gérais les conflits sociaux et j'étais en charge des négociations et de la mise en oeuvre de la politique sociale définie par l'entreprise, au niveau de l’établissement. En 2008, je suis entré chez EUTELSAT comme Responsable des affaires sociales. Initialement je participais à la définition de la stratégie sociale et aux négociations. Puis le poste a été amené à évoluer vers une véritable élaboration de la stratégie sociale à mettre en oeuvre pour l'entreprise et les établissements en France. Aujourd'hui je détermine donc la stratégie sociale, je négocie avec les organisations syndicales et je préside les instances. J'occupe désormais le poste de Directeur des Affaires Sociales pour le groupe. J’interviens également en appui du DRH international pour les questions pratiques et la gestion des contentieux à l’étranger.

PD : Avez-vous d’autre activité ?

LT : Je suis également actif au sein de la branche professionnelle des télécommunications, en étant membre de la commission sociale et je participe à la délégation patronale de négociation collective de branche. A ce titre, je suis présent aux réunions de la CPPNI (Commission Paritaire Permanente de Négociation et d'Interprétation, ndlr).

Aujourd'hui je détermine donc la stratégie sociale, je négocie avec les organisations syndicales et je préside les instances

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PD : Avez-vous eu des doutes durant votre parcours ?

LT : J'ai choisi d'être acteur de mon orientation, je n'ai pas donc pas eu de doutes. Le monde de l'industrie a été très formateur en matière des relations sociales, c'est pour être confronté à un environnement un peu plus rude que j'ai choisi de quitter le secteur de la banque assez rapidement, moins de deux ans après y être entré. Je suis resté 9 ans dans le secteur de l'industrie. J'ai construit mon parcours autour des expertises en matière du droit et des relations sociales.

PD : Qu'est-ce qui vous plait le plus dans votre métier ?

LT : Etre acteur de la définition de la stratégie sociale de l'entreprise et essayer de mettre en pratique des éléments imposés par la loi est un challenge. Par exemple, la mise en place du CSE, obligation légale, prend une autre conception lorsqu'il s'agit de l'adapter aux spécificités, aux métiers et à l'histoire de l'entreprise. C'est cette articulation entre obligation légale et la mise en place concrète et adaptée à l'entreprise qui me parait intéressante. PD : Dans 5 ans où vous voyez-vous ? LT : Je pense qu'il faut savoir saisir les opportunités qui se présentent, avoir des idées, une conception de ce que l'on souhaite et ne souhaite pas faire. A priori, je ne pense pas retourner dans des entités où je ne ferais que transposer des décisions sans les déterminer. En tout état de cause, je veux rester au coeur de la prise de décisions et déterminer les stratégies sociales.

PD : Quels liens entretenez-vous encore aujourd'hui avec le master DPRT ?

LT : J'appartiens au jury professionnel et je fais des interventions depuis 17 ans au sein du DPRT. Ce ne sont pas de véritables cours mais plutôt une transmission de techniques et de clefs de la profession. C'est d'ailleurs pour cette raison que je souhaite intégrer des apprentis dans le département social d’EUTELSAT.

PD : Votre point de vue sur l'apprentissage ?

LT : L'apprentissage renvoie à mon sens à l'idée de transmission, reproduire le rôle de mentor qui a pu guider mes orientations professionnelles. J'ai le goût de transmettre un savoir, une expérience. J'essaye de recruter des alternants tous les ans pour réaliser cette transmission.

Etre acteur de la définition de la stratégie sociale de l'entreprise et essayer de mettre en pratique des éléments imposés par la loi est un challenge.

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PD : Nous avons lu que le groupe EUTELSAT accorde une place prééminente à la QVT. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

LT : Les modes de fonctionnement évoluent, il faut savoir s'adapter aux attentes. Les relations sociales avec le personnel ne concernent pas que les augmentations salariales. Les exigences sont des deux côtés, c'est pourquoi il faut savoir être à l'écoute des attentes et permettre la mise en oeuvre d'outils qui traduisent ces exigences et les objectifs de la Direction Générale. C'est dans cette optique qu'EUTELSAT a mis en place le télétravail en 2018, pour permettre une meilleure articulation vie professionnelle et personnelle. La qualité de vie passe également par la maîtrise des outils mis à disposition. Le télétravail, pour reprendre cet exemple, doit être articulé avec le devoir de déconnexion du salarié. Les échanges qui sont le coeur des relations sociales traduisent la réalité du monde du travail. Un collaborateur va prendre en compte, certes le salaire, mais également l'ambiance de travail, le fonctionnement global de l'entreprise et les relations avec son manager.

PD : Nous avons lu que le groupe EUTELSAT a mis en place un CSE ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?

LT : Cela traduit encore une fois l'articulation entre les obligations légales et la nécessité d'adapter un mécanisme à son environnement. Il faut que l'outil soit efficace et remplisse son objectif : celui d'être le lieu d'échanges où se transmettent et s’expliquent les défis que doit relever l’entreprise.

PD : Avez-vous un conseil à donner à la nouvelle génération de juriste en droit social ?

LT : Le monde s'accélère, il y a une rapidité croissante dans la prise de décisions, dans la communication et la pratique du métier. Je vis cette évolution depuis le début de ma carrière. Initialement, les perspectives s'évaluaient à moyen terme, maintenant tout est immédiateté. Le conseil que j'ai à donner est l'acquisition d'un solide socle de connaissance en droit social. Il est important d'être agile dans sa pratique, de pouvoir s'adapter et rapidement. C'est d'ailleurs ce qui fait la renommée du DPRT : donner un côté pratique à son cursus universitaire. L'adaptabilité rend parfois nécessaire la prise de risque, mais des risques évalués. Il faut savoir s'affranchir des barrières, sortir du confort, pour encore une fois pouvoir s'adapter. Il faut pouvoir prendre des décisions en mesurant leurs effets, dans l'optique d'une meilleure efficacité. Tout cela va de pair avec une maîtrise de la langue anglaise a minima.

Il est important d'être agile dans sa pratique, de pouvoir s'adapter et rapidement (…) C'est d'ailleurs ce qui fait la renommée du DPRT : donner un côté pratique à son cursus.

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