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Entretien écrit #8 avec Grégoire Duchange

Co-directeur du Master DPRT, Professeur à l'Université Polytechnique Hauts-de-France

Bio express

Grégoire Duchange | Master professionnel Droit et pratique des relations de travail - Université Paris 2 Panthéon-Assas | DPRT

Titres universitaires

  • Maître de conférences, Université Panthéon-Assas, Paris II (depuis septembre 2015)
  • Doctorat en droit privé

Fonctions

  • Co-directeur du Master DPRT

Entretien avec Grégoire Duchange - Co-directeur du Master DPRT et Maître de Conférences à l'Université Paris II Panthéon-Assas

Selon vous quel est votre rôle principal en tant que co-directeur du master DPRT ?

Avoir deux directeurs implique de confronter deux regards pour définir la juste direction à prendre. Un regard plus expérimenté et un regard plus jeune qui tentent ensemble de préserver l’ADN du DPRT tout en assurant son adaptation permanente (c’est le propre d’un ADN de qualité) à un environnement et des attentes professionnelles changeantes. Concrètement, cela passe par une très forte attention lors de la sélection des étudiants, par un contrôle continu de la cohérence de la maquette pédagogique et par des prises de contact régulières tant auprès de nos partenaires traditionnels que de nouvelles relations disposant d’une expertise et d’un réseau dont nous souhaiterions faire bénéficier le DPRT. Mais, en ce qui me concerne, le rôle principal à jouer en qualité de co-directeur me paraît peut-être, en définitive, plus informel. Des échanges essentiels peuvent en effet se nouer avec les étudiants, de manière souvent impromptue, lors des cours ou plus généralement au sein du laboratoire de droit social. Ces échanges ont été importants pour ma propre carrière et j’espère, à cet égard, pouvoir redonner aux étudiants du DPRT une part de ce que j’ai reçu de mes aînés.

 

Pourquoi avez-vous choisi la voie de l’enseignement ?

Lors de ma soutenance de thèse, le président du jury (dont vous pourrez deviner l’identité sans trop de difficultés) avait mis en garde que prévenir sa famille qu’on imaginait une carrière universitaire revenait peu ou prou à leur annoncer qu’on se lançait dans la chanson ou la poésie. Car c’est en effet une carrière aléatoire, d’autant plus au regard de la forte attraction que peuvent comparativement exercer d’autres métiers du droit, en particulier dans le marché du droit social. Mais le métier d’enseignant-chercheur est en quelque sorte une vocation. Cela s’impose un peu tout seul, sans que l’on en maîtrise nécessairement toutes les raisons. Un encouragement d’un professeur, des rencontres, un goût pour la lecture, l’écriture et la réflexion critique qui s’affine… et le discernement s’opère progressivement.

Quel est votre domaine de prédilection au sein du droit social ?

Certains scientifiques affirment que, pour être créatif, il faut « cultiver une obsession ». Pour ma part, c’est la nature juridique du contrat de travail qui occupe mon esprit depuis plusieurs années. Ce contrat est traditionnellement perçu comme un « contrat-échange » (dont le contrat de vente est le modèle-type) et comme un lien purement individuel entre le salarié et l’employeur. Je crois que l’analyse juridique – et, au-delà, la satisfaction de l’impératif de justice qui devrait guider le droit du travail – gagnerait à l’envisager plutôt sous le prisme du « contrat-organisation », ce qui le rapprocherait du contrat de société et favoriserait l’appréhension dans un même « tout » (l’entreprise) non seulement de l’ensemble des salariés mais également des associés. Comment sinon expliquer de façon cohérente – et les exemples pourraient être multipliés à l’envie – le principe jurisprudentiel d’égalité de traitement entre les salariés ? Les actions en responsabilité pour faute de gestion contre les sociétés mères ? Les propositions de réforme visant à limiter les écarts de salaire au sein de l’entreprise ou à assurer le partage équitable de la valeur collectivement créée ?

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

Le métier d’enseignent-chercheur présente l’intérêt de dépasser la seule mise en œuvre opérationnelle des questions juridiques pour proposer un regard qui peut se permettre, du moins à certaines occasions, d’envisager le droit de manière critique, voire prospective. Si je parviens à transmettre, à travers ce regard, une certaine passion pour le droit du travail, alors je crois que l’essentiel de ma mission est accomplie.

Si je parviens à transmettre, à travers ce regard, une certaine passion pour le droit du travail, alors je crois que l’essentiel de ma mission est accomplie.

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Comment définiriez-vous la philosophie du master DPRT ?

Le DPRT est un master « pont » entre le monde de l’université et le monde professionnel. Cela se traduit bien sûr par le nombre très important de partenariats noués, par l’entremise de l’équipe pédagogique, avec des avocats, juristes d’entreprises et autres professionnels du droit social. Mais également par un certain esprit qui conduit à ne jamais négliger ni la maîtrise des concepts juridiques fondamentaux de la matière, ni les implications les plus concrètes de ces derniers. Le diplômé du DPRT doit être reconnu tant pour sa capacité de réflexion et de mise en perspective, qui lui permet de répondre à des questions juridiques complexes ou inédites, que pour son aptitude à comprendre les attentes et les contraintes opérationnelles des clients ou des employeurs pour lesquels il travaille.

Comment pensez-vous que le master DPRT peut évoluer ?

Le DPRT est amené à vivre au cours des prochaines années un double bouleversement en amont en et aval. En amont, la sélection des étudiants va désormais s’opérer dès la fin de la licence, de sorte que, tout en assurant la cohésion d’un master 1 unitaire, il sera nécessaire d’assurer l’intégration progressive des étudiants au sein d’un « parcours DPRT ». En aval, de plus en plus étudiants – même si cela relève d’un choix personnel qui ne doit pas être systématisé –, demeurent deux ou trois années supplémentaires au laboratoire de droit social pour effectuer une thèse professionnelle en convention CIFRE. Le DPRT a de la sorte vocation à devenir, davantage qu’auparavant, une composante de long terme de la formation des étudiants que nous accueillons. Nos partenaires professionnels répondent d’ores et déjà présent pour assurer sur ce point un suivi et un accueil continu. Les enseignants de l’université s’impliquent également de manière soutenue pour mener à bien ce « compagnonnage » de longue durée, notamment par le biais de la direction de mémoires et, dans certains cas, de thèses. Il est enfin essentiel que le master DPRT réponde au mieux aux attentes contemporaines des professionnels du droit social. Un effort considérable de formation a été fourni à ce titre au cours des dernières années pour assurer la professionnalisation des étudiants dans le champ de la protection sociale, traditionnelle « matière sœur » du droit du travail et qui est soutenue par un marché en très forte expansion. Cet effort, auquel nos partenaires professionnels sont étroitement associés, n’arrêtera pas en l’état.

Quels conseils pourriez-vous donner aux étudiants et aux futurs candidats du DPRT ?

L’inspiration existe disait Picasso… mais elle doit vous trouver à votre table de travail. Les étudiants du DPRT, de manières extrêmement diverses, ont démontré qu’ils répondaient déjà, à l’heure de leur admission, à la triple devise du master telle que voulue par le Professeur Teyssié : dynamisme, volonté, efficacité. Tous les parcours individuels sont valables. Mais ceux qui souhaitent entrer au DPRT doivent faire preuve d’une certaine force vive de nature à permettre la réalisation dans leur plénitude des projets professionnels qu’ils portent au fond d’eux. Connais-toi toi-même, en somme, mais donne-toi surtout les moyens de devenir ce que tu es.

Un dernier mot ?

Une maxime classique dit que le droit (social ?) est l’art du bon et du juste. Quel que soit notre parcours professionnel, essayons de garder cela à l’esprit. Car c’est la seule chose sérieuse qui restera.

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